Sincronía Primavera 2007


L’approche textuelle dans l’enseignement du FLE : Vers une approche de l’écrit

Salomé Gómez Pérez

Universidad de Guadalajara


1. INTRODUCTION

Le contexte

L’objectif de ce travail c’est de partager l’expérience de l’analyse réalisée d’après quelques productions écrites dans un contexte d’enseignement de FLE, plus spécifiquement à l’intérieur de la licence en didactique du FLE au Département de Langues Modernes de l’Université de Guadalajara. Cette formation a comme objectif celui de former des professeurs en FLE, après avoir réussi les cours dispensés pendant 9 semestres. Il est important de souligner que les étudiants qui commencent des études dans ce programme n’ont pas de connaissances en langue française, pour cela au même temps qu’ils suivent des cours regroupés dans les axes de linguistique, didactique, langue et culture et recherche, ils ont des cours classés dans l’axe de développement linguistique où l’on trouve les cours spécifiques de FLE. Dans cet axe, les cours de langue sont d’abord en bloc, le nombre d’heures étant aussi rassemblé. Au fur et à mesure que l’on avance le cours de langue se divisent en cours de lecto compréhension, grammaire, expression orale, phonétique et expression écrite. C’est dans ce domaine de l’expression écrite où l’on a pris les échantillons qui nous ont permis ce travail.

2. SITUATION

Les étudiants et leurs écrits

- Les productions écrites réunies ont été élaborées par des étudiants qui avaient suivi plus de 300 heures de français, dans le contexte donc d’un cours d’expression écrite. Tout au début nous avons remarqué des problèmes avec l’utilisation des déterminants définis et indéfinis. Cela nous a surpris car ces notions qui paraissent si simples, que l’on explique tout au début dans les manuels, et que même les étudiants font vite le rapprochement avec les mêmes déterminants en espagnol, elles posaient des problèmes. C’est alors que nous avons constaté que beaucoup de manuels n’approchent pas les paradigmes grammaticaux d’après une perspective textuelle. Comme beaucoup de professeurs, au moment de faire les correction des ces productions écrites on ne savait pas trop par où commencer, quel commentaire il fallait mettre à la marge de leurs copies. C’est qui était évident, c’est que souvent ces devoirs relevaient d’un agencement basé sur la yuxtaposition de phrases. En essayant d’aller un peu plus loin avec ces écrits, nous avons voulu observer ce qui se passait avec les syntagmes nominaux en général dans le contexte des textes écrits.

Si en effet on peut observer différents types de problèmes dans les textes, nous avons voulu nous centrer principalement sur les problèmes avec les syntagmes nominaux, car ils peuvent véhiculer une valeur thématique pour le texte, ce qui porte un double intérêt car on peut observer une contribution aussi bien à la cohérence du texte qu’à la cohésion.

Le texte

- Ces deux notions représentent les deux caractéristiques à contenu plus linguistique, parmi celles que Beaugrande et Dressler (1997) nous proposent et expliquent tout au long de leur Introduction à la Linguistique du Texte et qui sont les caractéristiques de l’évènement communicatif qu’est le texte. Ils les appellent les normes de textualité et ce sont donc la cohésion, qui établie les différentes possibilités dont les éléments de la superficie textuelle peuvent se connecter entre eux dans une séquence, elle repose sur les dépendances grammaticales ; la cohérence qui rend possible l’interaction des éléments du monde textuel : les concepts –contenus cognitifs que le locuteur peut activer ou récupérer de sa mémoire avec une certaine unité et congruence- et les relations –ce sont les liens établis entre les concepts réunis dans un monde textuel déterminé. Les auteurs envisages d’autres normes de textualité que l’on ne va que mentionner : l’intentionnalité (attitude du producteur de transmettre quelque chose ou d’atteindre un but) ; l’acceptabilité (attitude du récepteur pour rendre relevant un texte, il s’agit de la coopération avec le producteur) ; l’informativité (sert à évaluer la prédictibilité ou non de l’information transmise ainsi que la quantité) ; la situationnalité (fait référence à la pertinence d’un certain texte dans une certaine situation) ; et l’intertextualité (considère les différents degrés de dépendance d’autres textes dans un texte).  

Si bien toutes ce normes sont liées, c’est dans la cohésion et la cohérence que l’on trouve d’une certaine façon les traces des autres.

Cependant, l’importance de l’une sur l’autre a souvent été discutée : il y en a qui ne voient pas de relation entre les deux, ou bien d’autres qui prennent la cohésion seulement comme un symptôme de la cohérence, ou alors ceux qui pensent que la cohérence repose sur la cohésion.

Finalement, nous retiendrons les réflexions de M. Charolles (dans M-P Péry-Woodley 1993 :65) à ce propos, il articule les deux notions en acceptant qu’un principe général de cohérence gouverne l’interprétation des actions humaines et que toute suite de phrases a des grandes possibilités d’être interprétable et interprétée comme un texte. Mais ce processus d’interprétation est coûteux et une fonction importante de marqueurs de cohésion est de réduire ce coût en guidant l’interprétation, d’où une valorisation de l’utilisation de ces marqueurs dans certains contextes lorsqu’il est souhaitable de minimiser la marge de liberté d’interprétation ou de maximiser la rapidité d’interprétation.

Le texte et la phrase

Quant à la relation phrase et texte nous trouvons des considérations contradictoires de la part de linguistes.

- D’un part il y a la déclaration suivante (J. Lyons, 1970 :133):

« [...] une phrase est une forme linguistique indépendante, qui n’est pas incluse en vertu d’une quelconque construction grammaticale dans une quelconque forme linguistique plus grande. »

D’après ce point de vue, l’auteur considère la phrase comme l’unité maximale de l’analyse linguistique et de l’analyse grammaticale.

- D’autre part nous avons un autre argument (T. van Dijk 1981 :183) :

« […] on doit souligner que puisque l’usager de la langue peut produire et interpréter un nombre infini de discours, sa compétence est nécessairement une compétence textuelle. Il est peu probable, voire impossible, que la production et perception d’énoncés textuels s’opère à travers d’une concaténation non réglée de phrases isolées. Depuis une telle perspective, la notion de cohérence serait inexplicable. »

- Ou encore, nous pouvons analyser les idées ci-dessous (J. -F Jeandillou, 1997:81) qui proposent une perspective analogue à la précédente :

« Nous ne nous exprimons pas avec des mots ou des phrases isolées. Dans l'événement communicatif: le texte entier apparaît comme un champ de forces où s'exerce une permanente tension, sémantique et formelle [...] ».

Ce serait le terme d’isolement qui dérange, car nous communiquons en produisant des phrases certes, mais en les inscrivant dans des entités plus larges, c'est-à-dire, non isolément. De plus, la phrase se prête à un jugement de grammaticalité de la même façon que le texte le fait à un jugement de cohérence.

Les exemples

Par des contraintes d’espace, nous ne présentons que deux exercices. Cependant ils sont assez représentatifs parmi tous ceux du corpus réuni.

Nous avons marqué les Phrases, les SN, les SV qui présentent des répétitions avec des couleurs différents. D’autre part, les espaces où il manque un élément nous avons mis une ligne. Aussi, nous avons souligné les erreurs morphosyntaxiques et de registre.

 

 

Exercice 1. Consigne : faire un résumé

Les dommages causés par la cigarette

Il y a plus ou moins 40 ans l’épidemologiste Richard Doll a découvert que l’utilisation du tabac provoque le cancer. L’épidemologiste a démontré que ceux qui fume excessivement meurent sans avoir l’âge de 70 ans. L’épidemologiste dit que seulement les fumeurs occasionnels ou les non-fumeurs ont la possibilité d’avoir cet âge.

Un ___ grave problème est la fumée passive qui provoque la morte de 30,000 non-fumeurs chaque année aux États-Unis.

___Le Japon est un paradis pour ___ qui aime fumer. Les fumeurs ___sont acceptés presque partout.

Un mec qui habite dans l’Europe de l’est peut mourir avant que les mecs qui habitent dans l’ouest à cause du plaisir de fumer. Les coupables des___ décès sont les compagnies de tabac. Camel et Marlboro qui ont envahi ces pays après la chute de l’Union Soviétique.

___ L’épidemologiste Debra Silverman a découvert que le tabac provoque le cancer du pancréas, surtout si on l’utilise fréquemment.

Divers pays ont essayé ___ créer une cigarette inoffensive, faite de légumes; c’est à dire, une cigarette non toxique. Les scientifiques n’ont pas pu créer ce sorte de cigarette.

 

Exercice 2. Consigne : rédaction libre

Dans l’État de Jalisco on a la coutume d’aller au village de Talpa chaque année. Beaucoup de personnes voyagent à pied et d’autres en voiture. La plus parte de touristes vont au village de Lagunillas pour sortir vers Talpa. Le voyage se fait à pied pendant trois jours dans le temps de semaine "Santa". Les voyageurs doivent traverser quelques collines. "Le Espinazo del Diablo" qu’on dit qu’il est très dangereux et la Colline d’Âmes qui a la légende que toutes les personnes vieux mouraient au moment d’__ arriver. Les touristes essaient d’arriver le dimanche de "resurección". En Talpa dans la ceremonie le prêtre bénit les "Sirios" et les touristes dans le village achetent __ "gorditas", ___"nieves de garrafa", __"atole" et __"tamales". Les touristes arrivent de toute la republique mexicaine comme Sonora, Aguascalientes, etc... L’un de légends est qu’il y avait deux madames que pendant le cours, elles étaient fatiguées alors elles ont décidé de____ rester et elles sont devenu en roche. Les touristes peuvent observer dans le cours ces deux roches. L’autre légend est que tous les touristes qui marchent vers le village se trouvent avec____ personnes que leur donnent une costale et disent "S’il vous plaît, Est-ce que pouvez-vous apporter la costale jusque Talpa? Et ils repondent "oui" mais quand ils montrent la costale au prêtre, ils découvrent la costale avec ____ os.

 

 

 

3. DIAGNOSTIQUE

Le problème à résoudre

Reprise de l’information

- En observant les textes précédents, on peut constater une progression très hachée de l’information du texte, ainsi que des problèmes de indéfinition discursive. Mon diagnostique était qu’il y avait un problème avec la répétition -Reprise de l’information-, un des phénomènes sur les quels repose la cohérence d’un texte tout en reprenant le concept de coréférence :

La coréférence

« Essentielles pour la cohérence textuelle sont les notions suivantes : la (co) référence, la contiguité sémantique et les connecteurs. » et […] (ibidem:31) : « Le passage de la référence à la coréférence se conçoit comme le passage d’une relation externe à une relation interne : tandis que par la référence, le locuteur crée une relation entre le texte et la réalité, il établit para la coréférence des relations entre des éléments textuels. L’on constitue d’abord, par la référence externe, le thème du texte, pour le faire évoluer ensuite en une structure thématique par la coréférence. ». - Lita Lundquist (1980 :28)

 

L’anaphore

Si l’on considère alors que la coréférence relie des éléments à l’intérieur du texte on doit donc tenir compte du procédé anaphorique, comme un aspect de la répétition, et dans le sens d’organisateur du texte, car l’anaphore « […] se définit traditionnellement comme toute reprise d’un élément antérieur dans un texte. » (Riegel et al 2002 :610).

Les éléments linguistiques qui contribuent à la reprise de l’information seraient des groupes nominaux à l’intérieur desquels on observe des procédés aussi bien syntaxiques (variation dans la détermination, pronominalisation ou reprise par groupe adverbiale) que sémantiques (relations entre antécédent et substitut de synonymie, généricité –hyper/hypo-, nominalisation, entre autre). Sur ce dernier aspect, le choix des substituts pourraient avoir une incidence discursive par le sens connoté et dénoté du terme utilisé.

Le mauvais fonctionnement de ce phénomène textuel peut provoquer une cassure dans la cohérence et la cohésion d’un texte. Aussi, il intègre des compétences linguistiques qui ont un rapport avec la grammaire et la sémantique, nous savons que certains aspects de cette dernière peuvent avoir un effet sur la discursivité, et par là sur la pragmatique et la typologie textuelle.

La cohérence du texte

Cela en tenant compte du texte comme « une suite cohérente des phrases […] : Texte= Ph (+C+ Ph + C+…Ph n). Le « C » de cette formalisation est à concevoir comme le fait de cohérence, comme le lien cohésif, comme l’élément de connexion interphrastique » (Lita Lundquist, op.cit. :10)

Pour conclure pour l’instant avec le sujet de la cohérence dans les textes on dira qu’elle exige une décomposition en 4 sous -critères  (J.-E. Le Bray 1993 :17) :

L’homogénéité thématique : la cohérence d’un texte ne résiste pas à l’hétérogénéité, il doit parler d’un sujet, il ne peut pas sauter de coq à l’âne.

Le critère de progression : un texte doit avancer, manifester une dynamique

Respect du principe de clôture : une entité doit ce statut au fait de posséder une introduction, un développement et une conclusion, et cela sous de manières multiples (graphique, rhétorique et grammaticaux).

Critère de type : si un lecteur sait distinguer différent types de textes, indépendamment de leur contenu référentiel, un scripteur, par conséquence, doit respecter les lois du genre.

Ici on peut constater l’approche micro-textuel qui va du local au global (gram. textuelle), et le macro textuel qui s’appui su le global, la planification du texte (ling. textuelle)

4. LE RÔLE DES MÉTHODES

Nous avons pris quelques exemples de trois manuels de FLE assez connus : Tempo 1 (1996), Forum 1 (2000) et Campus 1(2001).

 

La pratique de la grammaire

La plupart du temps, l’explication, les exercices et même lorsqu’on essaie de l’intégrer aux textes, la grammaire reste phrastique, aussi bien pour vérifier la compréhension que pour produire

La pratique de l’écrit

Les exercices de compréhension sont plus riches en caractéristiques textuelles que ceux de production. Ceux derniers très souvent servent pour vérifier les acquis de grammaire de la phrase simple ou complexe.

Relation entre Grammaire et Texte écrit

Il existe une relation mais souvent elle ne part pas de la même perspective. On demande de faire un certain nombre d’exercices de grammaire de la phrase et tout à coup on demande d’écrire un texte. Il faut admettre que surtout dans les premiers temps d’apprentissage de FLE on nous met souvent un exemple du texte que l’on doit élaborer et celui-ci ne propose pas une structure interphrastique complexe.

Cela nous fait penser à la méfiance de certains manuels, communicatifs tout de même,   face au passé composé, par exemple, ils attendent souvent un bon nombre d’heures pour l’aborder, comme si dans la communication les temps de conjugaison pouvaient attendre. De même pour les textes, on attend souvent même longtemps pour les introduire dans la pratique du cours. D’autre part, si bien on trouve certains exercices à tendance textuelle, on se rend compte que la plupart des exercices préparatoires que l’on trouve sont du type phrastique, de telle façon que l’on a du mal à dépasser la phrase lorsqu’il s’agit de productions écrites. C'est-à-dire que d’une part on demande des exercices textuels, et d’autre part tout au long de la méthode on privilégie les exercices phrastiques. Dans cette contradiction-là on trouve très facilement la réponse pour ceux qui demandent que faire pour que les élèves réussissent à l’écrit.

 

5. LA COMPÉTENCE TEXTUELLE

Pour essayer de pallier les problèmes exposés ci-dessus, nous proposons de tenir compte de la perspective suivante.

 

LA PERSPECTIVE FONCTIONNELLE DE LA PHRASE

C’est une pratique longuement exposée dans le livre Pour une Grammaire Textuelle. La progression thématique (B. Combettes 1988), à travers laquelle on rend dynamique la suite de phrases, partant de l’information connue (le thème) qui se lie à une la nouvelle information (rhème). Cela implique une dynamique de substitutions que facilite l’emmagasinage d’information du texte le rendant plus structuré car le thème devient évident, au niveau des séquences, des paragraphes et de l’unité, tout cela en faisant usage des procédés grammaticaux. Sous cette perspective on classe la progression thématique en 3 types : Progression à Thème linéaire, à Progression è Thème constant et à Progression à Thèmes dérivés.

6. CONCLUSION. AU-DELÀ DE LA PROGRESSION DE L’INFORMATION

Au-delà de la progression de l’information, la perspective fonctionnelle de la phrase et son application dans le cours de langue (FLE) nous oblige à construire un texte que tout en se renouvelant par son contenu il respecte un certain discours et une certaine typologie. Le rôle de la sémantique, aussi bien lexicale que cognitive, dans le choix des substitutions peut nuancer un même fait pour deux réalités textuelles discursives différentes, selon l’idéologie que l’on veuille privilégier : par exemple, lorsqu’on raconte comment on vient d’arrêter un suspect, les reprises pour « suspect » vont changer si le fait est raconté par la police (le délinquant, le voleur, le coupable, etc.) ou si c’est raconté par le porte parole de la commission de droits de l’homme (la victime. l’homme, l’individu, le citoyen à la limite). Cela fonctionne aussi bien pour la compréhension que pour la production de textes. Et peut sensibiliser aux différents types de texte ou dominantes textuelles.

Cela dit, nous n’essayons pas d’interdire l’utilisation de la phrase dans l’enseignement, tout texte les contient, mais nous plaidons pour une utilisation fonctionnelle, c'est-à-dire en la reliant à son contexte et son cotexte.

Il reste une tâche à résoudre par les professeurs, celle de proposer depuis le début de l’enseignement d’une langue étrangère des activités qui aident le développement des compétences textuelles.

 

BIBLIOGRAPHIE

Combettes, B. (1983) Pour une Grammaire Textuelle. La progression thématique, De Boeck-Duculot : Bruxelles- Paris

De Beaugrande et Dressler (1997) Introducción a la Lingüística del Texto, ed. en español Ariel : Barcelona

Jeandillou, J-F L’analyse textuelle, Armand Colin : Paris

Le Bray, J-E (1992) Linguistique Textuelle, CNED : Poitiers

Lundquist, L. La cohérence textuelle : syntaxe, sémantique, pragmatique, Nyt Nordisk Forlag Arnold Busck : Copenhague

Péry-Woodley, M-P (1993) Les écrits dans l’apprentissage, clés pour analyser les productions des étudiants, Hachette : Paris

Riegel, M. et al (2002) Grammaire Méthodique du français, PUF : Paris

van Dijk, T. (1981) Las estructuras y funciones del discurso, Siglo XXI : Mexico


Regresar Sincronía Primavera 2007

Regresar Sincronía Pagina Principal