Lapproche textuelle dans lenseignement du FLE : Vers une approche de lécrit
Salomé Gómez Pérez
Universidad de Guadalajara
1. INTRODUCTION
Le contexte
Lobjectif de ce travail cest de partager lexpérience de lanalyse réalisée daprès quelques productions écrites dans un contexte denseignement de FLE, plus spécifiquement à lintérieur de la licence en didactique du FLE au Département de Langues Modernes de lUniversité de Guadalajara. Cette formation a comme objectif celui de former des professeurs en FLE, après avoir réussi les cours dispensés pendant 9 semestres. Il est important de souligner que les étudiants qui commencent des études dans ce programme nont pas de connaissances en langue française, pour cela au même temps quils suivent des cours regroupés dans les axes de linguistique, didactique, langue et culture et recherche, ils ont des cours classés dans laxe de développement linguistique où lon trouve les cours spécifiques de FLE. Dans cet axe, les cours de langue sont dabord en bloc, le nombre dheures étant aussi rassemblé. Au fur et à mesure que lon avance le cours de langue se divisent en cours de lecto compréhension, grammaire, expression orale, phonétique et expression écrite. Cest dans ce domaine de lexpression écrite où lon a pris les échantillons qui nous ont permis ce travail.
2. SITUATION
Les étudiants et leurs écrits
- Les productions écrites réunies ont été élaborées par des étudiants qui avaient suivi plus de 300 heures de français, dans le contexte donc dun cours dexpression écrite. Tout au début nous avons remarqué des problèmes avec lutilisation des déterminants définis et indéfinis. Cela nous a surpris car ces notions qui paraissent si simples, que lon explique tout au début dans les manuels, et que même les étudiants font vite le rapprochement avec les mêmes déterminants en espagnol, elles posaient des problèmes. Cest alors que nous avons constaté que beaucoup de manuels napprochent pas les paradigmes grammaticaux daprès une perspective textuelle. Comme beaucoup de professeurs, au moment de faire les correction des ces productions écrites on ne savait pas trop par où commencer, quel commentaire il fallait mettre à la marge de leurs copies. Cest qui était évident, cest que souvent ces devoirs relevaient dun agencement basé sur la yuxtaposition de phrases. En essayant daller un peu plus loin avec ces écrits, nous avons voulu observer ce qui se passait avec les syntagmes nominaux en général dans le contexte des textes écrits.
Si en effet on peut observer différents types de problèmes dans les textes, nous avons voulu nous centrer principalement sur les problèmes avec les syntagmes nominaux, car ils peuvent véhiculer une valeur thématique pour le texte, ce qui porte un double intérêt car on peut observer une contribution aussi bien à la cohérence du texte quà la cohésion.
Le texte
- Ces deux notions représentent les deux caractéristiques à contenu plus linguistique, parmi celles que Beaugrande et Dressler (1997) nous proposent et expliquent tout au long de leur Introduction à la Linguistique du Texte et qui sont les caractéristiques de lévènement communicatif quest le texte. Ils les appellent les normes de textualité et ce sont donc la cohésion, qui établie les différentes possibilités dont les éléments de la superficie textuelle peuvent se connecter entre eux dans une séquence, elle repose sur les dépendances grammaticales ; la cohérence qui rend possible linteraction des éléments du monde textuel : les concepts contenus cognitifs que le locuteur peut activer ou récupérer de sa mémoire avec une certaine unité et congruence- et les relations ce sont les liens établis entre les concepts réunis dans un monde textuel déterminé. Les auteurs envisages dautres normes de textualité que lon ne va que mentionner : lintentionnalité (attitude du producteur de transmettre quelque chose ou datteindre un but) ; lacceptabilité (attitude du récepteur pour rendre relevant un texte, il sagit de la coopération avec le producteur) ; linformativité (sert à évaluer la prédictibilité ou non de linformation transmise ainsi que la quantité) ; la situationnalité (fait référence à la pertinence dun certain texte dans une certaine situation) ; et lintertextualité (considère les différents degrés de dépendance dautres textes dans un texte).
Si bien toutes ce normes sont liées, cest dans la cohésion et la cohérence que lon trouve dune certaine façon les traces des autres.
Cependant, limportance de lune sur lautre a souvent été discutée : il y en a qui ne voient pas de relation entre les deux, ou bien dautres qui prennent la cohésion seulement comme un symptôme de la cohérence, ou alors ceux qui pensent que la cohérence repose sur la cohésion.
Finalement, nous retiendrons les réflexions de M. Charolles (dans M-P Péry-Woodley 1993 :65) à ce propos, il articule les deux notions en acceptant quun principe général de cohérence gouverne linterprétation des actions humaines et que toute suite de phrases a des grandes possibilités dêtre interprétable et interprétée comme un texte. Mais ce processus dinterprétation est coûteux et une fonction importante de marqueurs de cohésion est de réduire ce coût en guidant linterprétation, doù une valorisation de lutilisation de ces marqueurs dans certains contextes lorsquil est souhaitable de minimiser la marge de liberté dinterprétation ou de maximiser la rapidité dinterprétation.
Le texte et la phrase
Quant à la relation phrase et texte nous trouvons des considérations contradictoires de la part de linguistes.
- Dun part il y a la déclaration suivante (J. Lyons, 1970 :133):
« [...] une phrase est une forme linguistique indépendante, qui nest pas incluse en vertu dune quelconque construction grammaticale dans une quelconque forme linguistique plus grande. »
Daprès ce point de vue, lauteur considère la phrase comme lunité maximale de lanalyse linguistique et de lanalyse grammaticale.
- Dautre part nous avons un autre argument (T. van Dijk 1981 :183) :
« [ ] on doit souligner que puisque lusager de la langue peut produire et interpréter un nombre infini de discours, sa compétence est nécessairement une compétence textuelle. Il est peu probable, voire impossible, que la production et perception dénoncés textuels sopère à travers dune concaténation non réglée de phrases isolées. Depuis une telle perspective, la notion de cohérence serait inexplicable. »
- Ou encore, nous pouvons analyser les idées ci-dessous (J. -F Jeandillou, 1997:81) qui proposent une perspective analogue à la précédente :
« Nous ne nous exprimons pas avec des mots ou des phrases isolées. Dans l'événement communicatif: le texte entier apparaît comme un champ de forces où s'exerce une permanente tension, sémantique et formelle [...] ».
Ce serait le terme disolement qui dérange, car nous communiquons en produisant des phrases certes, mais en les inscrivant dans des entités plus larges, c'est-à-dire, non isolément. De plus, la phrase se prête à un jugement de grammaticalité de la même façon que le texte le fait à un jugement de cohérence.
Les exemples
Par des contraintes despace, nous ne présentons que deux exercices. Cependant ils sont assez représentatifs parmi tous ceux du corpus réuni.
Nous avons marqué les Phrases, les SN, les SV qui présentent des répétitions avec des couleurs différents. Dautre part, les espaces où il manque un élément nous avons mis une ligne. Aussi, nous avons souligné les erreurs morphosyntaxiques et de registre.
Exercice 1. Consigne : faire un résumé
Les dommages causés par la cigarette
Il y a plus ou moins 40 ans lépidemologiste Richard Doll a découvert que lutilisation du tabac provoque le cancer. Lépidemologiste a démontré que ceux qui fume excessivement meurent sans avoir lâge de 70 ans. Lépidemologiste dit que seulement les fumeurs occasionnels ou les non-fumeurs ont la possibilité davoir cet âge.
Un ___ grave problème est la fumée passive qui provoque la morte de 30,000 non-fumeurs chaque année aux États-Unis.___Le Japon est un paradis pour ___ qui aime fumer. Les fumeurs ___sont acceptés presque partout.
Un mec qui habite dans lEurope de lest peut mourir avant que les mecs qui habitent dans louest à cause du plaisir de fumer. Les coupables des___ décès sont les compagnies de tabac. Camel et Marlboro qui ont envahi ces pays après la chute de lUnion Soviétique.___ Lépidemologiste Debra Silverman a découvert que le tabac provoque le cancer du pancréas, surtout si on lutilise fréquemment.
Divers pays ont essayé ___ créer une cigarette inoffensive, faite de légumes; cest à dire, une cigarette non toxique. Les scientifiques nont pas pu créer ce sorte de cigarette.
Exercice 2. Consigne : rédaction libre
Dans lÉtat de Jalisco on a la coutume daller au village de Talpa chaque année. Beaucoup de personnes voyagent à pied et dautres en voiture. La plus parte de touristes vont au village de Lagunillas pour sortir vers Talpa. Le voyage se fait à pied pendant trois jours dans le temps de semaine "Santa". Les voyageurs doivent traverser quelques collines. "Le Espinazo del Diablo" quon dit quil est très dangereux et la Colline dÂmes qui a la légende que toutes les personnes vieux mouraient au moment d__ arriver. Les touristes essaient darriver le dimanche de "resurección". En Talpa dans la ceremonie le prêtre bénit les "Sirios" et les touristes dans le village achetent __ "gorditas", ___"nieves de garrafa", __"atole" et __"tamales". Les touristes arrivent de toute la republique mexicaine comme Sonora, Aguascalientes, etc... Lun de légends est quil y avait deux madames que pendant le cours, elles étaient fatiguées alors elles ont décidé de____ rester et elles sont devenu en roche. Les touristes peuvent observer dans le cours ces deux roches. Lautre légend est que tous les touristes qui marchent vers le village se trouvent avec____ personnes que leur donnent une costale et disent "Sil vous plaît, Est-ce que pouvez-vous apporter la costale jusque Talpa? Et ils repondent "oui" mais quand ils montrent la costale au prêtre, ils découvrent la costale avec ____ os.
3. DIAGNOSTIQUE
Le problème à résoudre
Reprise de linformation
- En observant les textes précédents, on peut constater une progression très hachée de linformation du texte, ainsi que des problèmes de indéfinition discursive. Mon diagnostique était quil y avait un problème avec la répétition -Reprise de linformation-, un des phénomènes sur les quels repose la cohérence dun texte tout en reprenant le concept de coréférence :
La coréférence
« Essentielles pour la cohérence textuelle sont les notions suivantes : la (co) référence, la contiguité sémantique et les connecteurs. » et [ ] (ibidem:31) : « Le passage de la référence à la coréférence se conçoit comme le passage dune relation externe à une relation interne : tandis que par la référence, le locuteur crée une relation entre le texte et la réalité, il établit para la coréférence des relations entre des éléments textuels. Lon constitue dabord, par la référence externe, le thème du texte, pour le faire évoluer ensuite en une structure thématique par la coréférence. ». - Lita Lundquist (1980 :28)
Lanaphore
Si lon considère alors que la coréférence relie des éléments à lintérieur du texte on doit donc tenir compte du procédé anaphorique, comme un aspect de la répétition, et dans le sens dorganisateur du texte, car lanaphore « [ ] se définit traditionnellement comme toute reprise dun élément antérieur dans un texte. » (Riegel et al 2002 :610).
Les éléments linguistiques qui contribuent à la reprise de linformation seraient des groupes nominaux à lintérieur desquels on observe des procédés aussi bien syntaxiques (variation dans la détermination, pronominalisation ou reprise par groupe adverbiale) que sémantiques (relations entre antécédent et substitut de synonymie, généricité hyper/hypo-, nominalisation, entre autre). Sur ce dernier aspect, le choix des substituts pourraient avoir une incidence discursive par le sens connoté et dénoté du terme utilisé.
Le mauvais fonctionnement de ce phénomène textuel peut provoquer une cassure dans la cohérence et la cohésion dun texte. Aussi, il intègre des compétences linguistiques qui ont un rapport avec la grammaire et la sémantique, nous savons que certains aspects de cette dernière peuvent avoir un effet sur la discursivité, et par là sur la pragmatique et la typologie textuelle.
La cohérence du texte
Cela en tenant compte du texte comme « une suite cohérente des phrases [ ] : Texte= Ph (+C+ Ph + C+ Ph n). Le « C » de cette formalisation est à concevoir comme le fait de cohérence, comme le lien cohésif, comme lélément de connexion interphrastique » (Lita Lundquist, op.cit. :10)
Pour conclure pour linstant avec le sujet de la cohérence dans les textes on dira quelle exige une décomposition en 4 sous -critères (J.-E. Le Bray 1993 :17) :
Lhomogénéité thématique : la cohérence dun texte ne résiste pas à lhétérogénéité, il doit parler dun sujet, il ne peut pas sauter de coq à lâne.
Le critère de progression : un texte doit avancer, manifester une dynamique
Respect du principe de clôture : une entité doit ce statut au fait de posséder une introduction, un développement et une conclusion, et cela sous de manières multiples (graphique, rhétorique et grammaticaux).
Critère de type : si un lecteur sait distinguer différent types de textes, indépendamment de leur contenu référentiel, un scripteur, par conséquence, doit respecter les lois du genre.
Ici on peut constater lapproche micro-textuel qui va du local au global (gram. textuelle), et le macro textuel qui sappui su le global, la planification du texte (ling. textuelle)
4. LE RÔLE DES MÉTHODES
Nous avons pris quelques exemples de trois manuels de FLE assez connus : Tempo 1 (1996), Forum 1 (2000) et Campus 1(2001).
La pratique de la grammaire
La plupart du temps, lexplication, les exercices et même lorsquon essaie de lintégrer aux textes, la grammaire reste phrastique, aussi bien pour vérifier la compréhension que pour produire
La pratique de lécrit
Les exercices de compréhension sont plus riches en caractéristiques textuelles que ceux de production. Ceux derniers très souvent servent pour vérifier les acquis de grammaire de la phrase simple ou complexe.
Relation entre Grammaire et Texte écrit
Il existe une relation mais souvent elle ne part pas de la même perspective. On demande de faire un certain nombre dexercices de grammaire de la phrase et tout à coup on demande décrire un texte. Il faut admettre que surtout dans les premiers temps dapprentissage de FLE on nous met souvent un exemple du texte que lon doit élaborer et celui-ci ne propose pas une structure interphrastique complexe.
Cela nous fait penser à la méfiance de certains manuels, communicatifs tout de même, face au passé composé, par exemple, ils attendent souvent un bon nombre dheures pour laborder, comme si dans la communication les temps de conjugaison pouvaient attendre. De même pour les textes, on attend souvent même longtemps pour les introduire dans la pratique du cours. Dautre part, si bien on trouve certains exercices à tendance textuelle, on se rend compte que la plupart des exercices préparatoires que lon trouve sont du type phrastique, de telle façon que lon a du mal à dépasser la phrase lorsquil sagit de productions écrites. C'est-à-dire que dune part on demande des exercices textuels, et dautre part tout au long de la méthode on privilégie les exercices phrastiques. Dans cette contradiction-là on trouve très facilement la réponse pour ceux qui demandent que faire pour que les élèves réussissent à lécrit.
5. LA COMPÉTENCE TEXTUELLE
Pour essayer de pallier les problèmes exposés ci-dessus, nous proposons de tenir compte de la perspective suivante.
LA PERSPECTIVE FONCTIONNELLE DE LA PHRASE
Cest une pratique longuement exposée dans le livre Pour une Grammaire Textuelle. La progression thématique (B. Combettes 1988), à travers laquelle on rend dynamique la suite de phrases, partant de linformation connue (le thème) qui se lie à une la nouvelle information (rhème). Cela implique une dynamique de substitutions que facilite lemmagasinage dinformation du texte le rendant plus structuré car le thème devient évident, au niveau des séquences, des paragraphes et de lunité, tout cela en faisant usage des procédés grammaticaux. Sous cette perspective on classe la progression thématique en 3 types : Progression à Thème linéaire, à Progression è Thème constant et à Progression à Thèmes dérivés.
6. CONCLUSION. AU-DELÀ DE LA PROGRESSION DE LINFORMATION
Au-delà de la progression de linformation, la perspective fonctionnelle de la phrase et son application dans le cours de langue (FLE) nous oblige à construire un texte que tout en se renouvelant par son contenu il respecte un certain discours et une certaine typologie. Le rôle de la sémantique, aussi bien lexicale que cognitive, dans le choix des substitutions peut nuancer un même fait pour deux réalités textuelles discursives différentes, selon lidéologie que lon veuille privilégier : par exemple, lorsquon raconte comment on vient darrêter un suspect, les reprises pour « suspect » vont changer si le fait est raconté par la police (le délinquant, le voleur, le coupable, etc.) ou si cest raconté par le porte parole de la commission de droits de lhomme (la victime. lhomme, lindividu, le citoyen à la limite). Cela fonctionne aussi bien pour la compréhension que pour la production de textes. Et peut sensibiliser aux différents types de texte ou dominantes textuelles.
Cela dit, nous nessayons pas dinterdire lutilisation de la phrase dans lenseignement, tout texte les contient, mais nous plaidons pour une utilisation fonctionnelle, c'est-à-dire en la reliant à son contexte et son cotexte.
Il reste une tâche à résoudre par les professeurs, celle de proposer depuis le début de lenseignement dune langue étrangère des activités qui aident le développement des compétences textuelles.
BIBLIOGRAPHIE
Combettes, B. (1983) Pour une Grammaire Textuelle. La progression thématique, De Boeck-Duculot : Bruxelles- Paris
De Beaugrande et Dressler (1997) Introducción a la Lingüística del Texto, ed. en español Ariel : Barcelona
Jeandillou, J-F Lanalyse textuelle, Armand Colin : Paris
Le Bray, J-E (1992) Linguistique Textuelle, CNED : Poitiers
Lundquist, L. La cohérence textuelle : syntaxe, sémantique, pragmatique, Nyt Nordisk Forlag Arnold Busck : Copenhague
Péry-Woodley, M-P (1993) Les écrits dans lapprentissage, clés pour analyser les productions des étudiants, Hachette : Paris
Riegel, M. et al (2002) Grammaire Méthodique du français, PUF : Paris
van Dijk, T. (1981) Las estructuras y funciones del discurso, Siglo XXI : Mexico